Edito : A quand la fin des transitions en zone AES ?

Poser une telle question peut déchaîner des passions. Pas seulement chez les chauds partisans des pouvoirs militaires, mais aussi chez les populations qui ont vu en ces juntes militaires les « messies qui se sont hissés au-devant de la scène politique nationale par la providence divine ».  En tout cas, comme une main tendue de Dieu à des peuples dont les pays assistaient impuissants à la mise sous coupe réglée des entités étatiques. Les régimes civils d’alors qui étaient en place n’avaient sans doute pas suffisamment pris la mesure réelle de ce qu’on pourrait considérer comme le péril du siècle.  Lorsqu’on mesure les enjeux de la guerre antiterroriste actuelle dans les Etats comme le Mali, le Burkina et le Niger, l’on se demande ce qu’il adviendrait de ces trois pays si les régimes militaires actuels aux affaires n’étaient pas arrivés ?

Chacun de ces trois Etats assistait à sa disparition programmée, face à une horde de terroristes surarmés avec du matériel de guerre de pointe et de plus en plus dangereux. Du matériel sans commune mesure avec l’armement d’alors dont disposaient les Forces de défense et de sécurité dans ces pays. Alors que la résistance s’organisait vaille que vaille dans chacun de ces pays, au gré des circonstances, selon le bon vouloir du président au pouvoir, sans compter l’influence ou les intrigues de l’ancienne puissance colonisatrice qui, pour plusieurs observateurs et les autorités des pays concernés,  a souvent interféré dans les organismes régionaux et continentaux devant apporter de l’aide à chacun de ces pays sahéliens en lutte.

A ce jour, l’évolution de la situation sécuritaire dans ces pays, corrélée à la dynamique entre ces pays et les organismes régionaux d’une part, entre ces pays et les organisations internationales d’autre part, a consacré une configuration des relations diplomatiques et une réorientation de la coopération multilatérale qui doit faire la part belle aux intérêts de chacun de ces 3 Etats. Le rapprochement de ces Etats avec la Russie participe de cela et est hautement apprécié d’une frange importante de la jeunesse ou des populations des pays en question. Cela a favorisé l’obtention d’armements de pointe ou du matériel de guerre permettant aux pays de combattre efficacement les terroristes. 

En clair, même si les échéances données par les juntes militaires au pouvoir pour passer la main et organiser des élections crédibles ne sont pas respectées (cas du Mali) ou arrivaient sans que le pari soit tenu (Burkina ou Niger), la stabilisation de chacun de ces pays est plus préoccupante que l’organisation d’élections, aux yeux des populations. Cela d’autant plus que, de par le passé, l’organisation des élections s’est révélée une simple formalité qui a escamotée les problèmes de fonds, retardant même leur résolution parfois.

Dans la situation que vit chacun de ces pays, peut-on véritablement envisager une élection alors que des pans entiers du territoire sont occupés par des terroristes et des populations entières contraintes à l’exil dans leur propre pays ? Certes, de par le passé, l’Occident et ses bailleurs de fonds, sous couvert des organismes internationaux qui ont toujours donné des ordres aux pays africains, ont contraint nombre de pays africains à prioriser l’organisation des élections aux autres problèmes de fond des pays, mais la suite a été un éternel recommencement, avec à la clé des crises sociopolitiques majeurs empêchant tout développement socioéconomique des pays. Où les mêmes bailleurs et partenaires accourent en pompiers de circonstance pour éteindre le feu, alors qu’en vérité ils sont les bras par lesquels on veut assassiner tout espoir de développement.

Favoriser la construction nationale

Les pays de l’AES semblent avoir pesé le pour et le contre dans ce jeu de dupes et ne sont pas prêts à organiser des élections pour les beaux yeux d’un occident qui ne joue pas franc jeu. C’est pourquoi, sans cautionner les putschs, sans encourager le maintien des militaires au pouvoir, nous estimons qu’à la lumière de la nature des crises que vivent les pays de l’AES, l’on ne devrait pas faire de fixation sur les échéances électorales. Il faut plutôt examiner le parcours de chaque pays, évaluer les progrès dans la lutte antiterroriste et mesurer les enjeux liés à la stabilisation des pays pour enfin trouver les remèdes adaptés à même de sortir les pays de l’ornière. C’est après cela que l’on pourra apprécier l’importance des élections dans la légitimation des pouvoirs publics et la gouvernance démocratique. 

La junte malienne au pouvoir vient de passer le délai prévu, non sans mesures de rétorsion contre les partis politiques et organisations de la société civile qui ne juraient que par les élections. Le Burkina pourrait être dans la même impossibilité d’organiser les élections dans le délai prévu. Si cela se confirmait, ce qui sont fort probable, il n’y aura qu’à regarder la réalité en face pour s’accorder sur l’essentiel.  La junte au pouvoir devrait surtout s’ouvrir au dialogue et cesser toute forme de répression des voix discordantes pour favoriser la participation des acteurs majeurs à la construction nationale.  Il y va de notre avenir commun et de la survie de nos institutions républicaines et de  celle de la mère patrie.

La rédaction

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