Sénégal : Le tour de passe-passe qui abîme l’image du président Sall malgré tout

Le tour de passe-passe politique auquel s’est livré le président sénégalais Macky Sall a quelque chose de piteux. A voir le dénouement relatif en cours de la crise provoquée par le président, l’on s’interroge toujours sur les motivations réelles ou supposées de l’homme.  Est-il tenaillé tant par les regrets d’avoir poussé trop loin le bouchon suite à la répression impitoyable qui s’est abattue  sur les acteurs de la Société civile et les opposants (politiques) dont les plus énigmatiques ont pour nom Karim Wade, Kalifa Sall et Ousmane Sonko ? Les débuts de règne rendent souvent si ivre que le prince finit souvent par trouver justifié et défendable certaines de ses lubies. En politique, quand il faut écraser toute voix discordante qui empêcherait le prince de disposer du pays comme il le veut, les artifices ne manquent pas. C’est en quelque sorte ce à quoi renvoie la situation du président sénégalais qui fait le tout pour le tout pour se donner bonne conscience face au tout Sénégal et face à l’histoire dont il semble s’être joué de la mémoire, suite au chaos actuel dans le pays. En se payant le luxe de plonger à nouveau le pays dans une crise de trop, comme si les conséquences tragiques des précédentes crises politiques, notamment celle consécutive à la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko en juin dernier, ne l’avaient pas suffisamment instruit, Macky Sall s’attaque aux institutions, à deux doigts de la fin de son mandat, provoquant une crise pour espérer prendre les choses en main et recoller les morceaux avant que sonne la fin de son règne. Un jeu de funambule, à observer les choses sous certains aspects.

Pour avoir eu la hargne tenace contre les opposants qu’il a systématiquement cassés, Karim Wade emprisonné et exilé, Khalifa Sall emprisonné, Ousmane Sonko emprisonné et déchu de ses droits politiques, le président Sall ne se réjouit pas des acquis du précédent dialogue national au détour duquel il a pu ramener dans le jeu politique Karim Wade et Khalifa Sall qui en étaient exclus, pour se donner bonne conscience. La moisson politique est maigre, comparée à l’ampleur du mal que sa gouvernance a causé aux Sénégalais ces dernières années, à coups de crises politiques à répétition. Avec un Sonko en prison comme d’autres opposants et acteurs de la Société civile, avec tous ces morts consécutifs aux tensions politiques liées à sa gestion du pays, avec un Karim Wade qu’il a su utiliser lors du dialogue national de fin mai 2023 pour calmer la tension sociale et qui était sorti gros perdant avec l’invalidation en janvier dernier de sa candidature à l’élection présidentielle , Macky faisait finalement figure d’un piètre président que le Sénégal n’avait jamais connu. En tout cas, même son prédécesseur Abdoulaye Wade n’avait pas autant « défoncé la démocratie sénégalaise » et n’avait pas eu les mains autant tachées de sang à la fin de son règne.

Redorer son blason de futur ancien président ?

Entre remords et fierté politique, le président Sall a dû trouver le tour de passe-passe qui lui permettrait de redorer son blason de futur « ancien chef d’Etat ». C’est ce qui pourrait expliquer ses agissements récents ayant consisté à reporter l’élection présidentielle, à convoquer un dernier dialogue national pour trouver les vrais remèdes à la crise sociale. Une façon pour lui de se poser en grand homme d’Etat qui a le sens de la république et qui se met au-dessus de toutes les mêlées. On comprend, de ce fait, certaines des conclusions du dialogue national des 26 et 27 février dernier,  boycotté par l’opposition et les acteurs de la Société civile, à savoir : la réintroduction des candidats spoliés de leur droit d’être candidat à la présidentielle qui profitera à Karim Wade et probablement à Ousmane Sonko, la proposition d’une loi d’amnistie générale et la tenue de l’élection présidentielle le 2 juin prochain. Si le jeu avait pour finalité de se racheter et de rattraper ses tares politiques, on peut dire que le président Sall a réussi un tour de passe-passe politique qui aura tout de même abîmé son image de démocrate sénégalais bon teint. En attendant la confirmation que Sonko bénéficierait de la loi d’amnistie et participera à l’élection présidentielle comme candidat, le Sénégal retient son souffle et les Sénégalais attendent de savoir le fond de la pensée du prince qui s’est plié aux injonctions de la Cour constitutionnelle lui ayant enjoint de passer la main le 2 avril prochain, date de fin de son règne. Sacré Macky ! Pourquoi tant de mal pour si peu ?

La rédaction